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Le Maroc regorge de talents...

Le Maroc regorge de talents, de potentiels et de moyens pour aller loin

Entre la famille Bougja et le rugby, c’est une longue histoire  faite de passion et d’amour inégalés…
Le COC, club phare du rugby national, a   vu naître et grandir les Houcine, Abderrahim, Nacer, Abdelaziz, Saïd et Laïla, l’actuelle commandant de bord qui s’était distinguée comme demi de mêlée.
Les “Aït Bougja” réunis ont fait le bonheur, des années durant, du COC que préside aujourd’hui Nacer, et du XV national de la belle époque. Le tout avec les inestimables encouragements de  parents dévoués, feu Hadj Mohamed et Hadja Mamas et de Ghania, celle parmi la fratrie qui a préféré assumer pleinement et joliment un rôle de supportrice aussi passionnée qu’avisée.
Abderrahim Bougja a pris les rênes de la FRMR pendant une quinzaine d’années quand le niveau et la qualité le disputaient à une ambiance tout aussi exceptionnelle. Abdelaziz a pris la relève avec la même maestria pendant cinq ans avant de décider de faire profiter le continent de son expérience et de sa compétence. Le rugby africain a pris de l’élan depuis son élection en 2002 à la tête de la CAN (Confédération Africaine de Rugby) devenue Rugby Afrique.
(Libé) – Les tous premiers matchs de l’Africa Golden Cup auront été particulièrement impressionnants…En tant que président de la CRA, ce serait là pour vous un motif de satisfaction, de fierté…?
Abdelaziz Bougja – C’est là le couronnement de quinze années de rude labeur et dont les lueurs se sont fait jour à l’occasion de cette Gold Cup. En effet, lorsqu’en avril 2002, j’ai été élu à la tête de la CRA à Yaoundé, le rugby africain comptait 6 équipes qui évoluaient plus ou moins dans un cadre international africain, aujourd’hui pas moins de 38 Fédérations sont partie prenante de Rugby Afrique. L’Algérie et le Gabon sont les derniers venus. Il a fallu lutter sans relâche et à de multiples niveaux : moyens, développement, formation, vulgarisation… Instaurer et encourager le rugby scolaire et universitaire car l’Afrique n’avait pas de tradition à ce niveau, exception faite toutefois de l’Afrique du Sud et de la Namibie. D’ailleurs, nous nous attendions à beaucoup de choses de la part de l’Afrique du Sud. Autant dire que nous étions grandement déçus.
Nous continuons à travailler sur la gouvernance, c’est là où le bât blesse en Afrique. Nous avons connu un succès probant dans notre tentative accrue pour venir à bout de l’absence de transparence, mais des zones d’ombres persistent encore dans certains pays. Aujourd’hui, ce sont 28 pays qui participent à l’ensemble des compétitions (Gold Cup, Silver Cup, Bronze Cup, 4 challenges régionaux, moins de 20 ans, rugby à 7, rugby féminin), nous avons 10 salariés à plein temps répartis à travers le continent.
Il serait bon de savoir que  nous avons signé dernièrement les droits de télévision avec une chaîne internationale KWESE SPORT filiale de EConet pour 5 ans. Tous nos matchs sont retransmis dans toute l’Afrique, la première journée de l’actuelle Gold Cup qui a opposé le Sénégal au Zimbabwe et le Kenya à l’Ouganda a été suivie par plus de 300.000 téléspectateurs, et 10.000 sur les réseaux sociaux. Ce qui est un succès pour un sport inconnu, sans tradition dans le continent.Si la CAR devenue Rugby Afrique a pu mettre à point tant de réalisations, c’est sans doute parce qu’il y a eu du répondant auprès de certains pays…

Le nom a, en effet, changé depuis 2014, pour devenir Rugby Afrique dans un souci d’homogénéisation des continents autour de World Rugby anciennement IRB. Oui, les faits sont là. La CRA a joué un rôle prépondérant dans la réussite des fédérations, par un soutien inconditionnel au niveau des moyens, de la formation, de l’organisation des compétitions, des fédérations ont elles aussi joué un rôle pour leur propre développement. Regardez le Kenya, l’Ouganda ou le Sénégal qui n’existaient pas, rugbystiquement parlant, il y  a 15 ans. Regardez le niveau auquel ils sont parvenus aujourd’hui. D’autres pays ont au contraire régressé, c’est le cas du Maroc, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, avec quelques progrès minimes pour les deux derniers pays lors de ces deux dernières années, mais il leur reste beaucoup à faire. Le rugby, pour rappel, est d’abord une histoire d’hommes et de connaisseurs. L’esprit y joue un rôle prépondérant. A travers le rugby se forment des hommes et des femmes pour l’avenir.

Cela se serait-il vérifié dans votre cas, vous qui avez pendant de longues années été joueur de club et de l’équipe nationale ?

Tout à fait. Je dois énormément à ce sport. Grâce au rugby, je suis devenu l’homme que je suis aujourd’hui, j’ai appris, par le rugby, l’humilité, le sens du partage, de la découverte, du  surpassement de soi…Grâce au rugby, j’ai également su donner à la gratitude tout son sens de même que j’ai appris à m’intégrer et à interagir au sein d’une équipe. Le rugby est une famille avec ses codes qu’il convient de respecter.Pousseriez-vous l’optimisme ou l’ambition jusqu’à voir des équipes africaines se hisser au niveau de l’Afrique du Sud et donc des meilleurs du monde de l’ovale ?

Notre ambition est bien sûr de faire encore et encore progresser le rugby. C’est fait pour « le 7 » avec notamment le Kenya qui a rattrapé l’Afrique du Sud, de même que l’Ouganda. En rugby à 15, c’est, pour ainsi dire, un fossé qui nous sépare du haut niveau. Mais avec plus de compétitions de haut niveau, des championnats mieux organisés au niveau national, un encadrement compétent, nous saurons rattraper ce retard, d’autant plus que nous pouvons compter sur l’apport des joueurs africains évoluant dans les championnats européens, sud-africain…
Il reste hélas des zones d’égoïsme du côté des 10 meilleures nations mondiales qui jouent entre elles (Six nations, Four nations dans le Sud, Lions, tournées des pays en hiver et en été) cela doit changer, même si ce n’est pas facile, les intérêts financiers étant tels que ces dix pays refusent de nouveaux entrants . On n’en continue pas moins le combat pour les pays dits « petits ».
Il conviendrait de souligner que la France reste l’un des rares pays à jouer le jeu pour une meilleure vulgarisation de ce sport en assurant un soutien  financier aux  pays de seconde zone.

Le XV marocain, c’est à un étage plus bas, par rapport aux six équipes de la Golden Cup, qu’il faut le dénicher. Il aura d’ailleurs à faire valoir ses chances au niveau de la Silver Cup bientôt à Casablanca. Qu’est ce qui a fait qu’au lieu de compter parmi les pays du continent qui ont avancé à pas de géant, on a  plutôt régressé ?

Pour vous dire vrai, le rugby marocain est à la croisée des chemins. Je m’explique… Le rugby au Maroc a connu depuis 2006 une vraie descente aux enfers, principalement à cause d’une gestion défaillante, incompétente peu soucieuse du bien être des jeunes.
Le management était plutôt d’ordre personnel, avec des ego surdimensionnés, où l’intérêt n’était pas sportif, mais politique et d’affichage. Les dégâts se sont faits considérables, avec la perte de temps, et trop d’’argent dilapidé,  la  régression était inévitable. En 2015, une nouvelle équipe est arrivée à la FRMR, elle avait bien commencé avant que les démons de la division et des ego ne reviennent. L’actuelle Fédération a besoin de remettre tout à plat, de mettre en place une gouvernance que nous appelons de nos vœux. Nous avons soutenu en 2016 la FRMR financièrement et sportivement, par l’organisation de stages, ou de compétitions. Mais quand vous avez une majorité de membres qui ne sont motivés que par leurs intérêts propres et non pour l’intérêt public, cela ne peut pas marcher.
Le Maroc regorge de talents, de potentiels, de moyens pour aller loin, malheureusement le management est défaillant. Fort heureusement, au sein de l’équipe dirigeante, il y a quelques rares personnes de qualité et totalement désintéressées qui souhaitent hisser l’ovale marocaine à un meilleur niveau.
La Silver Cup se joue au Maroc cette année comme la Bronze l’an passé. Le Maroc doit se surpasser, et faire appel à tous ses meilleurs joueurs. Le mérite doit être le seul critère de sélection. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Le clientélisme régit souvent les convocations, c’est déplorable. Si on ne change pas, on sera appelé à disparaître définitivement de la scène tant mondiale qu’africaine. En 2002, nous étions n° 2 africain et 18ème mondial. Aujourd’hui, on est 10ème africain et 48 ème mondial.!!! Il est grand temps de se ressaisir.Y aurait-il encore une chance de voir le rugby marocain retrouver ces résultats et cette extraordinaire ambiance qui faisaient autrefois sa force ?
Oui, il y a toujours moyen. Il faut veiller à réunir la famille du rugby et avancer ensemble pour l’intérêt de la discipline. Le  ministère et le Comité olympique doivent s’impliquer en faveur des sports collectifs délaissés depuis longtemps. Le suivi doit s’accompagner de contrôle et la fixation des objectifs ne doit pas concerner les seuls résultats sportifs, mais aussi la gouvernance, l’audit, l’administration, la progression…
Le rugby marocain peut très vite retrouver sa vitalité d’antan si les espaces organisationnels sont basés sur des critères objectifs, si les responsabilités sont confiées à d’authentiques compétences. Cela dit, il faut préciser qu’un état des lieux s’impose avant toute action.