Lettre à Madagascar

Lettre à Madagascar

Lettre à Madagascar – « Madagascar, «  la grande île » comme on la surnomme dans l’Océan Indien, 592 000 km2, 15 000 000  habitants et surtout 13 000 joueurs de rugby licenciés à la Fédération Malgache de rugby (probablement autant non licenciés).

Mon premier contact avec le rugby malgache a eu lieu en 1999 lors d’une tournée avec une équipe de l’île voisine de la Réunion.

Après une semaine d’intense préparation sur le mythique stade Malacam (construit vers 1940 par la SNCF (compagnie des chemins de fer français) et vierge de tous travaux  de réhabilitation depuis) nous voila arrivés à notre premier match contre l’équipe nationale espoir.

Première surprise en arrivant sur le stade, le nombre de personnes autour du terrain. Ce sont bien 3 à 4000 personnes qui sont entassées dans la petite tribune de ce stade vieillot et vétuste mais qui transpire la passion que le peuple malgache a pour le sport roi.

Deuxième surprise, quand nos adversaires sortent des vestiaires pour l’échauffement. Le plus grand doit mesurer 1,75m et peser 70kg. Inconsciemment je me dis que la victoire ne devrait pas être trop difficile à obtenir.

La troisième surprise, et la moins agréable survient durant le match. Très vite nous avons l’impression que nous jouons à quinze contre quarante, les joueurs malgaches sont partout, dès qu’un de nos joueur reçoit le ballon il a immédiatement trois ou quatre adversaires sur le dos. Dès que notre jeu au pied est moyen c’est une rafale de contre attaques menées de tous les coins du terrain qui nous est assénée. C’est un véritable calvaire pour notre équipe qui malgré des gabarits respectables et un bon niveau de jeu, souffre mille maux pour s’imposer dans cette rencontre.

La fin du match est serrée et quelques minutes avant le coup de sifflet final je me rends compte que l’ensemble des spectateurs est au bord du terrain. Ce ne sont pas moins de 3000 personnes qui sont alignées le long de la ligne de touche, crient et vocifèrent comme un seul homme. Je me dis que, si cela dégénère même la fuite ne pourra être notre salut.

L’arbitre siffle la fin de la rencontre après quelques règlements de compte à l’ancienne. Je m’attends au pire mais comme par miracle tout se calme, les supporters entrent sur le terrain, félicitent les joueurs des deux équipes et viennent pour certains nous taper amicalement dans le dos pour nous congratuler.

Ce jour là j’ai associé deux mots au rugby malgache, courage et respect.

Quelques jours après, nous rencontrons les Makis (équipe nationale Malgache) et cette fois-ci c’est dans le grand stade de Mamach que nous allons en découdre.

Au coup de sifflet de l’arbitre, ce sont 20 000 personnes qui emplissent les tribunes et pour les reunionnais qui ont l’habitude de jouer devant leurs familles et quelques amis c’est particulièrement impressionnant.

Le match est à l’image du précédent, engagé, rugueux, quelque fois violent et chaque centimètre de terrain est gagné avec beaucoup de difficulté. Forts de notre expérience précédente, nous axons notre jeu sur l’affrontement. Grosse pression en mêlée, mauls pénétrants et jeu proche des regroupements sont notre credo. Malgré des tonnes d’énergie déployée  les petits hommes des hauts plateaux ne plieront pas. Portés par un public extraordinaire ils renverseront du réunionnais pendant une heure trente et au bout du compte sortiront vainqueur de ce combat digne par moment des jeux du cirque de la Rome antique.

Ce jour là j’ai associé deux nouveaux mots au rugby malgache, abnégation et amour du maillot.

Quelques mois plus tard, une nouvelle mission me conduit à Tananarive, je dois assurer une cession de formation pour les entraîneurs des clubs de la capitale.

Ce ne sont pas moins de 50 entraîneurs (140 équipes seniors sur Tananarive, 38 équipes de 1ere division) qui sont regroupés dans une petite salle et durant près de 7 heures je dois faire face à une nuée de question posées par des gens qui me surprennent agréablement par leur connaissance du jeu (il est vrai que Pierre Villepreux qui a animé plusieurs stages dans le pays est une véritable star et ses écrits sont lus comme des livres religieux).

Le dernier jour de stage, je suis convié à assister aux finales de la ligue de Tananarive au stade Malacam. Les matches débutent le matin et se terminent quand le soleil est au plus bas. Le stade est  plein à craquer et comme je le fais remarquer au président de la fédération celui-ci me répond le plus naturellement du monde qu’en fait par rapport à l’année précédente il a doublé le prix des tickets d’entrée pour limiter le nombre de spectateurs. Quel président, quelle que soit la spécialité sportive peut se permettre ce genre de chose sans prendre le risque de jouer dans un stade à moitié vide.

Ce jour là j’ai associé deux nouvelles expressions au rugby malgache, envie d’apprendre et amour pour ce sport.

Ma dernière visite, je l’ai effectué en tant que représentant de l’IRB et j’ai souhaité voir de plus près comment se pratiquait le rugby au quotidien dans les clubs.

Les dirigeants m’ont conduit sur les terrains d’entraînement de deux clubs de première division parmi les mieux classés dans la compétition domestique.

Le premier s’entraînait sur un terrain vague qui attendait la construction d’immeubles d’habitations. En fait les joueurs avaient défriché un espace suffisant pour travailler et s’entraînaient là tant que les travaux n’avaient pas débutés. Le jour ou les travaux débuteront ils partiront à la recherche d’un autre espace et puis d’un autre et puis d’un autre.

Le deuxième club s’entraînait dans un champ qui ressemblait plus à une rizière qu’à un terrain de rugby (il devait y avoir 20 centimètres d’eau) et pendant près de deux heures l’entraîneur a mené la séance sans qu’a aucun moment personne ne se plaigne.

Ce jour là j’ai associé deux nouveaux mots au rugby malgache, pauvreté et envie de jouer à toute épreuve.

En conclusion il me parait important de dire que, ce que je vois et vis quand je me rends dans ce pays n’est pas unique. La vétusté des installations, le manque de matériel sont malheureusement le lot de la majorité des pays africains, par contre il y existe à Madagascar une ferveur pour ce jeu une envie de le pratiquer et de le partager avec d’autres que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs.

JL Barthès RDM Afrique

05 avril 2008″